Les voitures Le projet est né il y a déjà plusieurs années. J’en avais déjà parlé dans ce blog.   Ce qui me décide à écrire à nouveau est un article du monde diplomatique sur l’usine Fiat à Turin à moitié abandonnée, qui ne fabrique plus maintenant qu’une fiat 500 électrique et deux Maserati, et cela seulement de temps en temps. Il n’y a plus que 2000 ouvriers qui sont au chômage partiel la plupart du temps. Tout ça bien sûr à cause des fusions, acquisitions, regroupements, de tas de marques de bagnoles européennes,  et à cause des chinois, évidement, toujours eux.

Donc quand nous nous étions installés dans cette baraque du sud-ouest, le mec qui la gardait et dont nous avons pris la place avait construit des tas de petits abris avec des vieux capots de voiture, dans lesquels il se postait à diffèrents endroits du jardin, à l’affut  pour tirer son diner à la carabine ou/et pour ranger ses outils. Je ne l’ai pas connu, c’est quand il est mort que la maison nous a été vendu. Mais j’ai adoré tous les bricolages qu’il y avait laissés, j’en ai déjà parlé aussi, de ce Blandin mythique de Labatut-Rivière, presqu’aussi mythique que mon grand-père qui a lui aussi laissé beaucoup de ses bricolages un peu plus sophistiqués et érudits mais très intergalactiques dans toute la maison  de famille. Les vieux capots de voiture que j’aimais beaucoup je les ai fait transporter dans ma nouvelle maison, ce qui m’a valu la déconsidération des déménageurs. Alors il a bien fallu que j’en fasse quelque chose de ces vieux capots. Je me suis mise moi aussi à construire des voitures, et après avoir lu l’article du Monde, je comprends peut-être un autre aspect de la raison pour laquelle je me débats avec mes vieux capots. Non non ce n’est pas une proposition d’embauche pour les ouvriers de Turin qui en ont marre de ne pas bosser. Je fais ça seule, et depuis que je fabrique des tas de choses en métal avec mes mains et souvent dans le froid, que je soude, meule, coupe, tord, tape, perce et aplatis, je comprends mieux ce que vivent les ouvriers, physiquement. Mais je ne fabrique des voitures ni à moteur thermique ni à moteur électrique, elles sont à moteur heu… ontologique, voilà,  quoi que cela puisse vouloir dire dans ce cas. Débrouillez-vous. Et puis elles n’ont jamais de volant comme me l’a fait remarquer un ami. Eh bien, figurez-vous que je ne m’en étais pas rendu compte. Étrange quand même. Je crois aussi que c’est parce qu’on ne maitrise pas son destin, que l’inconscient nous emmène où il veut, alors un volant pour quoi faire ? D’ailleurs pouvez-vous aller où vous voulez avec votre bagnole à volant? Quand maintenant on s’avance dans ces carrefours où l’on tourne comme une toupie dans tous les sens, avec 6 embranchements mal indiqués pour en rejoindre un autre du même acabit,  qu’on se trompe fatalement et se retrouve sur l’autoroute sans sortie avant je ne sais combien de kilomètres, ou qu’on tourne en rond dans Paris parce que les sens interdits, les rues piétonnes, les travaux, les encombrements, la recherche d’un parking ne nous emmènent que là où nous n’avons pas du tout l’intention d’aller, ne serait-ce pas mieux un machin sans volant tout automatique qui suit un GPS ? Le volant n’est que le reste des temps glorieux de la voiture, comme la corbeille à papier en plastique moulé des années 60 qui avait  toujours la forme d’osiers tressés.(mais maintenant ça y est on revient à l’osier). ­ ­ ­ ­ ­ ­ ­ ­  Ou alors mes voitures veulent dire encore autre chose. Ce que je dis, moi, de ce que je fabrique n’a aucune importance et vous pouvez en dire ce que voulez aussi. (Ou ne rien dire du tout).   Je présente parfois mes voitures sur instagram en faisant de petites vidéos comme si j’étais une vendeuse de voiture très sûre d’elle-même quant à l’utilité et la beauté de la machine, et aussi au genre de public à laquelle elle est destinée. Saviez-vous que Buzz Aldrin a été vendeur de voiture après avoir marché sur la Lune ?  Avez-vous remarqué qu’à la télévision il y a un nombre recrudescent de pubs de bagnoles ? Mais ce n’est pas comme dans les années 50, on ne parle plus de mécanique, ni de ligne, ni de puissance, ni de vitesse, on vend maintenant quelque chose de beaucoup plus inconsistant, comme si la voiture (moche la plupart du temps) pouvait nous transporter au paradis : les rues vides et brillantes de villes irréelles défilent, puis des paysages idylliques de campagne leur succèdent, les enfants sourient ou dorment sous le regard d'un chien sage, les parents s’aiment, le coffre est plein. (on s'enfuie). Il y a aussi beaucoup de pub de parfum (et finalement quoi de plus évocateur que l’odeur pour voyager à peu de frais ?), intercalés entre les pubs de voiture, des mecs aux abdos huilés impeccables, et des filles aux jambes immenses sur talons infinis se regardent et atteignent eux aussi des paradis qui restent dans nos fantasmes. En revanche les pubs de nourritures industrielles (qui se targuent même parfois d’être bio) plus triviales, flattent nos sens immédiats. Je m’éloigne, je m’éloigne de mes voitures et de mon atelier, de mes outils bruyants et bien aimés, il me reste un capot encore à utiliser, j’en suis à six voitures, sans compter les minis, une septième pour la route et puis j’arrête.     Lien vers l’article sur les vieux capots, à regarder pour les quelques photos de vielles voitures que j'avais photographiées dans un entrepôt du coin, quand j'étais à la recherche d'une 404 à acheter. Lorsque le proprio est mort, ça a fait le buzz parmi les collectionneurs, il y avait des trésors. les vieux capots de voiture