Après ces jours d’une pluie continuelle, le soleil apparait et les oiseaux sont contents,, leur silence a pris fin, ils ont même esquissé des petits bouts de chants en plus de leurs appels et cris. Dans un arbuste devant ma fenêtre j’ai mis des boules de graisse pour tous ces petits passereaux qui s’en donnent à cœur joie de picorer ces nourritures industrielles. J’ai des complexes car je me dis qu’ils vont devenir comme nous, qui préféreront fouiller dans notre congélateur pour y extraire une pizza plutôt que d’aller ramasser ce qui pousse dans le jardin. Je n’ai jamais de pizza dans mon congélateur, mais si j’avais eu quelque chose je ne sais pas si hier soir je me serai cuisiné ce plat délicieux : il faut des feuilles de bourraches, et même des fleurs et les graines qui sont encore sur les tiges, ce que j’ai à différents endroits de mon jardin. La bourrache est une plante très rustique. J’en ai donc cueilli et je les ai mis à cuire dans de l’huile d’olive de l’ail et des piments, et même des petites tranches très fines de curcuma frais. Il faut bien faire revenir tout ça puis rajouter quelques œufs battus par-dessus. Ça fait une omelette délicieuse, c’est Anna qui m’a donné la recette. Sauf le curcuma que j’ai rajouté. Les italiens ont des façons de cuire les légumes bien plus intéressantes que nous les français. Si tous les petits français avaient des mamans italiennes, ils aimeraient les épinards, les brocolis, et les blettes. Tous ces légumes d’hiver mal aimés car on les cuisine d’une façon fade et sans imagination. En fait le secret est assez simple : ail huile d’olive, piment et épices ! Tout ça pour dire que mes oiseaux à qui on a enlevé beaucoup de leurs insectes et de leurs baies sauvages, et qui donc sont bien moins nombreux qu’avant, et qui l’hiver souvent meurent de froid et de faim, c’est un peu notre devoir de les soigner, de les protéger. Donc de leur donner un peu de bouffe finalement c’est bien. Si je peux en sauver quelques-uns tant mieux. En plus de me faire plaisir à les observer dans mon arbre.
En relisant je me rends compte que j’écris « mes » oiseaux « mon » arbre. C’est un peu le problème. Pierre Rabhi le disait très bien : les humains s’approprient la nature et veulent la maitriser. Sauf qu’on ne peut pas maitriser la nature et c’est ce qui nous mène à la catastrophe écologique que nous vivons. Il faut être « avec » la nature et suivre ce qu’elle nous dit pour travailler avec elle si on a envie d’en être nourris. Et nous n’avons rien d’autre à nous mettre sous la dent, on doit quand même se le rappeler. La pizza du congélateur, elle ne vient pas de l’espace intergalactique, même si on aimerait nous le faire croire. Non, non, elle a été faite avec des morceaux de nature ! Du blé et des tomates qui poussent, du fromage qui vient du lait de la vache, du jambon arraché au cochon, et du carton qui vient des arbres. L’observer, la nature, et apprendre d’elle, et non pas la forcer à devenir ce que nous voulons qu’elle soit, en plus de l’utiliser comme si elle était inépuisable. Les ingénieurs qui ont mis au point tous ces engrais insecticide et compagnie ont pensé qu’ils étaient bien plus forts que la nature elle-même, qu’ils la connaissaient par cœur. Sauf qu’on va être un peu dans la merde à cause de tout ça. Mais l’envie de maitriser de la nature ne date pas d’hier. Et nous les français, encore une fois, nous sommes très fort en la matière. Les jardins à la française en sont la preuve. Les buis et les arbres taillés et alignés, les perspectives maitrisées, les formes géométriques que nous faisons prendre à tout ce qui pousse ça date de bien avant l’ère industrielle.
A Villebrumier tous les étés mon père s’armait de son taille haie électrique et nous étions de corvée à ramasser toutes les branchettes de buis tombées au sol. Il se faisait un devoir de faire ce boulot, et nous tirait de nos jeux et de nos lectures por qu'on vienne l'aider, et ça durait plusieurs jours tellement la maison est entouré de ces sacrées haies de buis qui dessinent diverses zones dans le jardin. En plus de ça, il y avait les grands ifs taillés en forme de suppositoire devant la maison qu’il fallait tailler aussi, dont j’ai eu honte à mon adolescence, car je les trouvais ridicules et prétentieux, peut être inconsciemment à cause de leur forme phallique. Maintenant ils me font un peu rire ces arbres, ils sont un peu l’équivalent des nains de jardin des pavillons, avec leurs bonnets pointus, en plus chic attention, un peu comme des petits soldats gentils qui gardent la maison. Maintenant heureusement on ne s’occupe plus des tailles, mais ma mère est toujours hyper angoissée à chaque printemps que les buis disparaissent sous les mandibules de cette belle chenille à raie verte et jaune qui décime tous les buis des jardins en France !
Si on ne les traite pas les buis disparaissent littéralement. Dans le jardin d'un château abandonné, il y a quelques années, j’étais en train de prendre une photo et j’ai entendu des petits craquements, pincements, grincements et je me suis retournée : j’étais à côté d’un buis, qui était en train de se faire littéralement dévorer par des centaines de grosses chenilles. Naissent de ces bestioles un petit papillon blanc appelé Pyrale assez insignifiant. On se demande où vont ces tonnes de feuilles de buis dévorées, par quelle partie du phénomène « rien ne se perd tout se transforme », ces magnifiques chenilles qui bouffent autant ne font que donner naissance à ces tous petits papillons blancs qui vivent à peine et qu’on ne voit même pas. Je crois que le surplus de l’équation s’appelle: « C’est bien fait pour vous bande d’humains irrespectueux, à force de nous tailler en forme de cubes nous les buis on préfère disparaitre de vos jardins, et on a élu pour ça notre tyran la Pyrale. En gros nous avons organisé notre suicide collectif, car être taillés tout le temps nous fait souffrir et nous rend vulnérable. Vous essayez bien de nous sauver avec des insecticides et autres moyens soi-disant écologiques encore et toujours, mais vous savez bien que ça va finir par vous retomber dessus. Abandonnez vos jardins à la française et basta ! Laissez-nous vivre ! »
Voilà ce que diraient les buis s’ils pouvaient parler. Mais heureusement ils ne parlent pas car si oui, ils pourraient alors dire des mensonges, comme nos hommes politiques et nos industriels qui s’achètent une vertu écologique et nous la vendent sous forme de produits entourés d’un discours et d’un packaging vert pomme. Vert, vertu, le ver est dans le fruit ça c’est sûr.
............... PS : j’ai un pin sylvestre dans mon jardin et quand je suis arrivée il était plein de chenilles processionnaires, elles ont tendance à envahir les pins. J’ai mis des nichoirs à mésanges dans le pin, accrochés à son tronc et depuis je n’ai plus de chenilles, car les mésanges s’en nourrissent. Dans les parcs, ils préfèrent couper les pins, car les chenilles sont très urticantes pour l'homme ou le chien qui se promène avec lui, et qui risqueraient d’en toucher une.
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