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dimanche 18 octobre 2020

Le lac

 

Le Lac
 
En ce matin de froid et de brouillard, je repense au lac.
Pendant le confinement j'étais désespérée de ne pas pouvoir aller nager quelque part, il faisait si beau, et la piscine dite Tournesol de Porcheville, Tournesol car elle est en coupole, et quand il fait beau elle s'ouvre, était belle et bien fermée. Pourtant le virus avec tout le chlore, à mon avis, était bien mort. Passons.
Alors je regarde sur Google-Maps, les points bleus, les étendues bleues sur la carte aux alentours de chez moi. J'en vois une à 8 kilomètres, c'est faisable en vélo, pas de problème. Je ne me pose même pas la question des "un" kilomètre autorisé, je l'oublie même complètement cette question là. Je décide d'aller visiter ce point bleu, pas très grand, mais assez pour y nager, et si non ça fera une balade. Quand je bascule en "vue satellite", le point devient plutôt vert, mais un vert un peu bleu quand même. Je vois aussi qu'il s'agit sans doute d'un lac de carrière.
 
 
Je me retrouve devant une grande barrière fermée. Un grand portail, de ceux qui s'ouvrent en coulissant automatiquement. Mais à côté, le grillage est un peu défoncé. Je m'y glisse avec mon vélo, pas question de l'abandonner.
Et là miracle une route, une grande route, large mais vide, sur laquelle les acacias, et diverses autres herbes dites mauvaises avaient poussé, un peu partout, dès que se trouvait une fissure, une route d'un monde abandonné, d'un monde d'après cataclysme, où je serai la seule survivante, comme dans "Ravage " de Barjavel. Une situation qui me semble assez appropriée à mon état d'esprit, non seulement à ce moment là, en plein "confinement" mais aussi, je l'avoue, en général.
 
 
Plus j'avançais sur la route plus elle devenait "sauvage" et de grands pylônes électriques la bordaient maintenant. Je vois sur Google Maps que mon lac est à droite en dehors de cette route, et rebelote un grand portail. Mais il n'est pas fermé, il suffit de faire coulisser les pennes. Dans ce silence, ça fait du bruit, un bruit métallique qui résonne, et ça me fait un peu peur. Je referme bien comme il faut, ni vu ni connu. Un chemin descend, en terre, et je vois des chevreuils qui s'enfuient à mon approche, puis j'entends toujours ce drôle de son, comme un vieux moteur de tacot qui a du mal à démarrer. Apres c'est une famille de sanglier qui apparaît, et file à toute vitesse sur les cotés du chemin, dans les broussailles, les marcassins n'en finissant plus de traverser la route en courant et de disparaître, une famille nombreuse, comme lorsqu'on compte les moutons pour s'endormir. (je ne l'ai jamais fait, mais j'imagine).
Puis là en bas, à travers les saules, les jeunes peupliers, et les ajoncs, une étendue d'eau, d'un beau bleu vert… Ni une ni deux je m'y plonge, après avoir caché mes vêtements, car je sens bien que ce lieu est fréquenté. Je n'y crois même pas, l'eau est froide mais bonne, je nage! Je nage seule, le ciel est bleu, j'en ris toute seule, j'ai mon lac, à moi! Enfin presque.
 
 
Apres je me balade sur le site, de plusieurs hectares, et je trouve partout des traces humaines, c'était donc une ancienne carrière, mais où la nature a repris ses droits, depuis une quinzaine d'années à mon avis, vu la talle des arbres. Il y a un tronc qui est badigeonné d'un produit brun qui sent fort, comme le goudron, et je lis sur le pot resté à coté que cela incite les sangliers à rester dans le coin. Voilà, des chasseurs, ce sont des chasseurs qui fréquentent le lieu. Je suis encore tranquille quelques mois.
 
 
Tous les deux ou 3 jours, j'y reviens, le soir, j'y ai pris goût, je vois d'autres animaux, des lièvres, des ragondins, et j'ai compris qui faisait ce bruit de vieux moteur qui ne démarre pas. Les faisans! Marrant, mais quand j'allais "à la chasse" avec mon père, petite, avec mon fusil à bouchon, je ne me souviens pas avoir entendu ce cri. Je ne savais d'ailleurs pas très bien ce qu'était la chasse, j'avais juste envie de tout faire comme mon Papa.
Un jour, je vois un agriculteur qui laboure la terre dans le site, presqu'à l'entrée, une nouvelle entrée que j'ai trouvée, qui évite de prendre une grande route que je n'aime pas.
 
 
Du coup je suis furieuse, mon site, il n'a pas le droit, et d'ailleurs je vais le contourner, pas question de ne pas pouvoir aller à mon lac. Du coup, je me retrouve à devoir laisser mon vélo que je cache dans des buissons, puis je file à travers la pampa que L1060156.JPG je traverse pour aller à mon lac, sans prendre le chemin. Et là, autre miracle, je regarde à mes pieds, des points rouges des tas de points rouges partout. Des fraises des bois! Je me gave, comme je ne l'avais plus fait depuis celles de la Russie, près de saint Petersburg où ma tante Anne avait sa datcha. Un autre miracle de nature que celui là, avec un lac aussi et un sauna au bord du lac, et après le sauna, hop, dans le lac glacé avec la lune, et le jour qui ne finissait jamais, en juin, jamais je ne suis retournée en Russie, dans ce lac comme dans un ciel, même si je tanne ma cousine pour qu'elle m'emmène. Je me contente de mon nouveau lac, il y en avait plein près de Labatut, (un autre paradis perdu) mais pas avec des fraises des bois partout.
Pendant je me me gavais de fraises de bois, sans pouvoir m'arrêter, l'une après l'autre, j'entends des grognements à deux pas dans les buissons à côté, et à mon avis les sangliers aussi se régalaient.
 
 
C'est à ce moment là que je me suis dit: la terre à été raclé jusqu'à la couche d'argile, ils ont pris tout le calcaire, ok, et maintenant, la terre qui apparaît, c'est celle de l'époque du paradis, qui avant était recouverte! Voilà je suis arrivée au paradis! Il n'est pas dans le ciel mais sous nos pieds, il suffit de déblayer un peu ce qui s'est déposé au fil des millénaires, et nous y sommes. Les animaux, le lac, la beauté la solitude, les fruits.
Avis aux amateurs. Déblayez et vous trouverez. Ça s'applique à tout, mais surtout à la tête.
 
 
 
© 2020 MP
 

samedi 10 octobre 2020

Châteaux de verre

        Aujourd'hui, j'ai eu l'impression de ne faire que ces choses inutiles, de ne faire que des actions "a contrario" de la production, des non-actions, même si mon corps y travaillait, même si je me sens fatiguée de ces actions contraire à une productivité, une productivité qui aurait fait que.. quoi…?  j'aurais pu gagner de l'argent, par exemple.

L'une d'elle avec le recul en cette fin de journée presqu'estivale, est parlante.


 

Ça commence à Villebrumier il y a déjà 2 hivers de cela. J'avais découvert lors d'une balade des serres abandonnées, extrêmement belles, tout en verre. J'y ai fait des photos, j'y passais du temps, c'était un des buts de mes promenades à vélo.

Au cours de ce même l'hiver des bulldozers ont commencé à les détruire..
Je me suis mise à vouloir récupérer quelques morceaux de verres de ces serres, en particulier une petite réserve de verre qui avait été posée dans un coin, dehors, à moitié recouverte de plantes. Ces morceaux de verres, tout abîmés plein de mousse, je suis allée les chercher, un soir avec ma "Peugeot Partner". Je me suis embourbée dans les ornières laissées par les bulldozers, je me suis sentie stupide là, la nuit tombait, seule devant ce paysage d'apocalypse, les structures des serres toutes tordues, du verre cassé partout. J'ai abandonné la voiture,
 
 
Je suis rentrée à pied chez moi, et heureusement le lendemain matin un des bulldozers m'a sortie de là en me poussant. Du coup après cela, puisque j'étais vraiment impliquée, j'ai rempli ma voiture de plaques de verres, de 150 par 60 cm environ, lourdes et coupantes, sales, abîmées. Et en le faisant, je me disais, mais pourquoi? J'avais de vagues idées, je me ferai une serre moi aussi, pour faire mes semis, mon potager quand j'aurai ma maison. Puis je les ai sorties de la voiture et entreposées dans le garage.
 
 
 Cet été en partant de Villebrumier, je les ai chargé à nouveau dans ma voiture. C'était chiant, il fallait les mettre verticales, bien les caler. Puis j'ai roulé jusqu'à chez moi,  presque 700 km. Tout aussi galère à décharger. Je me suis coupé avec les tranches à vif, fait mal au dos, et j'en passe. Mais elles étaient toutes intactes. Miracle. Je les ai posées dehors devant mon atelier, contre un mur. Je ne savais pas quoi en faire, mais vraiment pas du tout.
L'autre jour, quand même, je me suis dit, tiens, je pourrais les utiliser pour finir la façade de la grange avant l'hiver, essayer de colmater un peu ces façades que je n'ai pas finies, pour arrêter le vent, la pluie, il faut se protéger du froid à venir.
En les manipulant, pour voir si ça pouvait marcher, et me disant en même temps que non vraiment, je n'allais jamais pouvoir faire tenir ces grandes plaques de verre comme ça sans structure, j'ai fait un faux mouvement et laissé retomber une des plaques contre les autres. Telles qu'elles étaient, posées contre le mur, s'appuyant les unes sur les autres, elles se sont presque tous fendues, en chaîne, et certaines complètement cassées.
Je me suis maudite, je pleurai de rage contre moi qui faisait tant de choses inutiles, qui dépensais une énergie folle à manipuler des bouts de verres fragiles d'un bout de la France à l'autre qui forcement allaient se casser et finir de toutes les façons à la poubelle.
 
 
Hier j'ai eu une vision: j'allais fabriquer des châteaux de verre, posés là dans le jardin, comme des châteaux de cartes mais en verre. J'y mettrais une lumière dedans, ce sera beau, la nuit...
Je commence. Je passe mon après midi à recouper les plaques de verre puisqu'elle étaient à moitié brisées, à les poser les unes sur les autres, en les collant avec un peu de silicone Tout en travaillant, je m'aperçois que je me suis installée juste sous cet arbre, un grand pin, qui justement, je le vois de ma chambre depuis quelques semaines, a cette branche brisée, qui est sur le point de tomber.
Bien sûr, je suis un peu consciente que je suis en train de mettre en scène ma fragilité avec cette sculpture. Mais j'aurai pu me poser ailleurs, pas sous un arbre dont l'une des branches va tomber. L'histoire de ma vie.
Je n'ai donc pas beaucoup de chance que cette sculpture tienne le coup, mais c'est sans doute ce que je veux. Je travaille donc sans être vraiment contente, avec des doutes plus que nécessaire, et ce sentiment d'inutilité qui me taraude depuis ce matin.. Heureusement il fait beau. En revanche, j'ai les mains collantes, pleines de micro coupures, je le sens quand je nettoie le verre avec de l'acétone, ca brûle. Je prends quelques photos, j'aurai au moins ça.
Ce qui devait arriver arriva. Le truc s'écroula et se cassa en mille morceaux. J'ai passé un temps fou à ramasser tous les bouts de verre super pointus, puis à les mettre dans un grand carton, à faire une espèce de paquet pas trop dangereux à transporter, pour pouvoir le jeter par la suite.
Voilà, vous comprenez maintenant pourquoi j'ai eu l'impression de ne rien faire de satisfaisant.
 
 
 
 Ce petit texte m'aide à penser que rien n'est finalement si inutile. Je savais en faisant tout cela que je menais des actions qui n'avaient aucun intérêt pour par exemple le mec qui joue de l'argent à la bourse. Pourtant c'est bien des châteaux de cartes qui se montent à la bourse justement, et qui s'écroulent en laissant dans la mouise tous les petits épargnants, et font gagner des sommes faramineuses aux autres.
Moi en revanche je ne fais rien contre les autres mais contre moi même. Il faudrait peut être changer tout ca.
J'essaie donc de rattraper le coup en vous parlant de ces belles serres qui ont été détruites, en vous montrant ces photos, et en vous racontant cette petite histoire.
Mais entre ces serres magnifiques et ma pauvre sculpture qui a tenu une demi heure, il y a une grande différence. Elle est faite de toute cette énergie dépensée. Qui s'est perdue dans les limbes. Moi je ne sais pas trop où je suis. Dans les limbes aussi sans doute.
 
 
 
 

jeudi 1 octobre 2020

la porte

26 décembre 2020

 

Une porte s'est entrouverte  

je l'ai bien vue, je l'ai bien sentie, 

puis je l'ai dit, alors elle s'est refermée.

Les mots font peur car ils disent des vérités que l'on ne veut pas entendre

mes mots sont en avance et me donnent tort

alors on me claque la porte au nez, 

Ils sont trop pointus pas assez équivoques peut être

tandis que les gestes restent perplexes

comme jamais dits, jamais faits, esquisses de l'inconnu, 

esquisses de la raison qui se cache derrière eux, laissant la place à la vie.

qui  fait peur et que nous ne voulons pas recevoir brute, 

nous ne la voulons pas autant que tout ce qui l'enrobe, 

comme le glaçage au chocolat du fruit, de son amande.

Il faudrait que je me détache des mots pour ce qui est de l'amour, 

ils sont trop brusques et éloignent

comme lorsque l'on retourne "l'aimant" et que tout d'un coup, 

ce qui s'attirait se repousse.

Rester dans le flou, le brouillard, se nimber d'imprécisions, 

le corps presqu'invisible sous les caresses à venir. 


29 décembre 2020


Les années passent et rien ne change 

Je vois les lumières bleues des ambulances de l'autre côté du fleuve.