| | | | | | En ce matin de froid et de brouillard, je repense au lac. Pendant le confinement j'étais désespérée de ne pas pouvoir aller nager quelque part, il faisait si beau, et la piscine dite Tournesol de Porcheville, Tournesol car elle est en coupole, et quand il fait beau elle s'ouvre, était belle et bien fermée. Pourtant le virus avec tout le chlore, à mon avis, était bien mort. Passons. Alors je regarde sur Google-Maps, les points bleus, les étendues bleues sur la carte aux alentours de chez moi. J'en vois une à 8 kilomètres, c'est faisable en vélo, pas de problème. Je ne me pose même pas la question des "un" kilomètre autorisé, je l'oublie même complètement cette question là. Je décide d'aller visiter ce point bleu, pas très grand, mais assez pour y nager, et si non ça fera une balade. Quand je bascule en "vue satellite", le point devient plutôt vert, mais un vert un peu bleu quand même. Je vois aussi qu'il s'agit sans doute d'un lac de carrière. |
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| | | | Je me retrouve devant une grande barrière fermée. Un grand portail, de ceux qui s'ouvrent en coulissant automatiquement. Mais à côté, le grillage est un peu défoncé. Je m'y glisse avec mon vélo, pas question de l'abandonner. Et là miracle une route, une grande route, large mais vide, sur laquelle les acacias, et diverses autres herbes dites mauvaises avaient poussé, un peu partout, dès que se trouvait une fissure, une route d'un monde abandonné, d'un monde d'après cataclysme, où je serai la seule survivante, comme dans "Ravage " de Barjavel. Une situation qui me semble assez appropriée à mon état d'esprit, non seulement à ce moment là, en plein "confinement" mais aussi, je l'avoue, en général. |
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| | | | Plus j'avançais sur la route plus elle devenait "sauvage" et de grands pylônes électriques la bordaient maintenant. Je vois sur Google Maps que mon lac est à droite en dehors de cette route, et rebelote un grand portail. Mais il n'est pas fermé, il suffit de faire coulisser les pennes. Dans ce silence, ça fait du bruit, un bruit métallique qui résonne, et ça me fait un peu peur. Je referme bien comme il faut, ni vu ni connu. Un chemin descend, en terre, et je vois des chevreuils qui s'enfuient à mon approche, puis j'entends toujours ce drôle de son, comme un vieux moteur de tacot qui a du mal à démarrer. Apres c'est une famille de sanglier qui apparaît, et file à toute vitesse sur les cotés du chemin, dans les broussailles, les marcassins n'en finissant plus de traverser la route en courant et de disparaître, une famille nombreuse, comme lorsqu'on compte les moutons pour s'endormir. (je ne l'ai jamais fait, mais j'imagine). Puis là en bas, à travers les saules, les jeunes peupliers, et les ajoncs, une étendue d'eau, d'un beau bleu vert… Ni une ni deux je m'y plonge, après avoir caché mes vêtements, car je sens bien que ce lieu est fréquenté. Je n'y crois même pas, l'eau est froide mais bonne, je nage! Je nage seule, le ciel est bleu, j'en ris toute seule, j'ai mon lac, à moi! Enfin presque. |
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| | | | Apres je me balade sur le site, de plusieurs hectares, et je trouve partout des traces humaines, c'était donc une ancienne carrière, mais où la nature a repris ses droits, depuis une quinzaine d'années à mon avis, vu la talle des arbres. Il y a un tronc qui est badigeonné d'un produit brun qui sent fort, comme le goudron, et je lis sur le pot resté à coté que cela incite les sangliers à rester dans le coin. Voilà, des chasseurs, ce sont des chasseurs qui fréquentent le lieu. Je suis encore tranquille quelques mois. |
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| | | | Tous les deux ou 3 jours, j'y reviens, le soir, j'y ai pris goût, je vois d'autres animaux, des lièvres, des ragondins, et j'ai compris qui faisait ce bruit de vieux moteur qui ne démarre pas. Les faisans! Marrant, mais quand j'allais "à la chasse" avec mon père, petite, avec mon fusil à bouchon, je ne me souviens pas avoir entendu ce cri. Je ne savais d'ailleurs pas très bien ce qu'était la chasse, j'avais juste envie de tout faire comme mon Papa. Un jour, je vois un agriculteur qui laboure la terre dans le site, presqu'à l'entrée, une nouvelle entrée que j'ai trouvée, qui évite de prendre une grande route que je n'aime pas. |
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| | | | Du coup je suis furieuse, mon site, il n'a pas le droit, et d'ailleurs je vais le contourner, pas question de ne pas pouvoir aller à mon lac. Du coup, je me retrouve à devoir laisser mon vélo que je cache dans des buissons, puis je file à travers la pampa que L1060156.JPG je traverse pour aller à mon lac, sans prendre le chemin. Et là, autre miracle, je regarde à mes pieds, des points rouges des tas de points rouges partout. Des fraises des bois! Je me gave, comme je ne l'avais plus fait depuis celles de la Russie, près de saint Petersburg où ma tante Anne avait sa datcha. Un autre miracle de nature que celui là, avec un lac aussi et un sauna au bord du lac, et après le sauna, hop, dans le lac glacé avec la lune, et le jour qui ne finissait jamais, en juin, jamais je ne suis retournée en Russie, dans ce lac comme dans un ciel, même si je tanne ma cousine pour qu'elle m'emmène. Je me contente de mon nouveau lac, il y en avait plein près de Labatut, (un autre paradis perdu) mais pas avec des fraises des bois partout. Pendant je me me gavais de fraises de bois, sans pouvoir m'arrêter, l'une après l'autre, j'entends des grognements à deux pas dans les buissons à côté, et à mon avis les sangliers aussi se régalaient. |
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| | | C'est à ce moment là que je me suis dit: la terre à été raclé jusqu'à la couche d'argile, ils ont pris tout le calcaire, ok, et maintenant, la terre qui apparaît, c'est celle de l'époque du paradis, qui avant était recouverte! Voilà je suis arrivée au paradis! Il n'est pas dans le ciel mais sous nos pieds, il suffit de déblayer un peu ce qui s'est déposé au fil des millénaires, et nous y sommes. Les animaux, le lac, la beauté la solitude, les fruits. Avis aux amateurs. Déblayez et vous trouverez. Ça s'applique à tout, mais surtout à la tête. |
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