Labatut-Rivière, 15 Août 2016.
Ce soir je suis restée chez moi. J'ai regardé un film pas très passionnant pendant que se déroulait la fête du village c'est à dire un grand dîner sur le cours de tennis puis un feu d'artifice; je n'y suis pas allée parce que j'étais seule et que je n'avais pas envie de me confronter à tous les gens du village, et de me justifier, de raconter pourquoi et comment j'étais seule maintenant, que Jürgen n'était plus là, bien que plein de monde soit au courant, sans doute tout le monde car les nouvelles vont vite dans les campagnes. J'ai même entendu dire que des gens du village avaient fait courir le bruit que j'étais partie d'un seul coup en abandonnant tout, même les chats, et j'ai eu par personne interposée une proposition d'achat pour ma maison venant de mes voisins les plus proches, à un prix ridicule, qu'ils ont apparemment pas osé me faire en direct.... Puis je n'avais pas envie de sortir seule. Je n'ai même pas regardé le feu d'artifice de ma terrasse.
Je me suis souvenue de la première année où nous étions là, notre premier été ici et de cette même veille de 15 août, il y a 8 ans qui était une journée froide et pluvieuse exactement le contraire de celle d'aujourd'hui pendant laquelle il a fait plus de 30 degrés, la nuit apportant un peu fraîcheur désirée. J'avais le lendemain écrit un texte un "Labatut 2 ou 3", où je racontais que j'étais un peu cafardeuse de ce temps froid, de notre maison sans confort dans laquelle aucuns travaux n'avait encore été fait et que nous habitions depuis à peine quelques mois, mais qui pour la première fois avait laissé pressentir l'ambiance dans laquelle nous serions en plein hiver. Je m'imaginais que personne ne sortirait pour la fête et pour admirer le feu d'artifice à cause de ce temps d'automne.
Jürgen et moi, malgré notre peu d'enthousiasme, y sommes quand même allés, et nous avions été étonnés de voir des tas de voitures garées et tout ce monde attablé dehors, puis surpris de nous apercevoir comme c'était joyeux; le feux d'artifice était très beau se reflétant dans la rivière et j'avais été émue de toute cette ambiance. *(voir plus bas)
Par ma fenêtre ouverte, ce soir, alors que le feu d'artifice a été tiré depuis longtemps, des odeurs de poudre entrent dans ma chambre . Je pense alors à ceux que nous organisions quand j'étais petite à villebrumier. C'était mon grand truc certains soir d'été de tirer quelques fusées ; je ne me souviens plus trop où nous les achetions sans doute à Montauban.
J'adorais accrocher des pétards aux flèches de mon arc que j'envoyais alors en l'air et le pétard explosait dans le ciel. Nous appelions les parents et autres adultes pour qu'ils s'émerveillent de ces quelques lumières que nous envoyions dans le ciel; ils se mettaient sur la terrasse et nous en contre bas, avec Charlotte, et nous allumions les mèches des fusées que nous avions préparées entre les ronds de buis et j'aimais alors cette odeur de poudre. C'était très modeste mais ça nous impressionnait beaucoup, et tous ces bruits, ces les sifflements lorsque ça tourbillonnait dans le ciel. Certaines faisaient long feu et nous avions peur en nous rapprochant de la fusée apparemment inerte.
* j'ai retrouvé le "Labatut 2" :
Labatut- rivière 16 août 2008
Rien écrit depuis le 22 juin ; « mais beaucoup a été fait »..... c'est objectivement le cas, j'essaie de m'en persuader mais je n'ai pas cette impression tellement le temps file et change… Malgré tout je sens l'automne, je commence à m'habituer à mon nouveau territoire, j'ai même envie de faire un voyage.
Nous commençons à remplacer les carreaux cassés. Quelques courants d'airs font leurs apparitions
Avant-hier soir veille du 15 août, une fête a été organisée : il a plu toute la journée et vraiment j'avais le cafard comme jamais depuis que je suis ici. Et je me suis imaginée que tout le monde était comme moi et que personne ne viendrait.
Les pauvres, me suis-je dit !!
Jürgen a aidé tout l'après midi notre voisin Denis qui importe de Chine des feux d'artifices et en offrait un au village ce soir là. Je suis venue tard donner un coup de main aussi : c'est très beau déjà un feu d'artifice encore en gestation : ces boules denses de carton de différentes tailles comme de gros œufs mystérieux ; avec ces mèches très longues rouges avec des fils électrique au bout ; ces câbles que l'on déroule vers un genre de table de mixage qui ressemble plutôt à un veux tableau électrique périmé. Mais bon il continuait à pleuviner et le ciel était vraiment menaçant…. Il fallait bâcher tout le temps…
Le court de tennis avait été réquisitionné pour le banquet. Pas de toit sur ce court de tennis ;
Quand Jürgen m'a dit qu'ils avaient coupé les dossiers des bancs du catéchisme à la tronçonneuse pour mettre autour des tables et que c'était donc un dîner assis, j'avais vraiment encore moins envie d'y aller.
J'ai traîné, râlé, pris une douche bien chaude et nous sommes partis. C'est à 200 m de chez nous
Et bien : des tas de voitures garées partout, le tennis plein de grandes tablées, bourrées de monde, une très joyeuse ambiance, j'en avais presque les larmes aux yeux. La pluie s'était quand même arrêtée.
Nous avons dîné c'était mignon et joyeux tous ces gens mélangés
Il y avait des cuisiniers qui faisaient des frites dans des bacs en inox comme à la cantine mais dehors sous les platanes, et des grillades.
Et un stand où l'on pouvait « boire l'apéro » avec de la bière pression.
C'était drôle ce stand couvert d'une tente pointue comme celle d'un cirque dans la nuit noire un peu à l'écart avec un bar circulaire et les serveurs au milieu avec tout ces gens autour éclairés par le centre .
L'image c'est un peu ça : on a l'impression que rien ne se passera parce qu'on est un peu au bout du monde et bien pas du tout.
Et le feu d'artifice ! Je n'en avais jamais vu un de si prés.
Les spectateurs étaient d'un coté de la rivière et le feu partait de l'autre rive
Tout se reflétait dans l'Adour le paysage entier s'éclairait au fur et à mesure des feux tirés ça faisait un boucan incroyable et ça a duré un quart d'heure. On applaudissait tout le temps tellement c'était impressionnant.
5 secondes après la fin du feu d'artifice la pluie s'est mise à tomber grave.
Les phares des voitures se sont allumés à travers les gouttes et tout le monde est parti petit à petit, sauf ceux sous la tente du stand apéro (ils étaient bien protégés dans leur petit nid)
Une autre histoire de ce même jour:
15 Août 2016, Le lac.
J'ai repéré l'année dernière un lac de retenue qui n'est pas loin de chez moi et qui a été construit très récemment; j'y suis allée pour me baigner cet après midi. Il faisait extrêmement chaud et j'ai mis un bon moment pour le rejoindre à bicyclette, je ne me souvenais plus de la route, car le long des coteaux serpentent des dizaines de petits chemins entre les champs de maïs, les pâturages où les vignes; certains chemins deviennent de terre, certains se perdent dans des champs ou dans les petits bois et s'arrêtent. Il n'y avait personne pas un bruit, et pratiquement pas d'oiseaux. J'avais proposé à ma locataire de 3 soirs une jeune fille de 23 ans, qui était venue dans le coin avec sa mère pour le festival de jazz de Marciac, de venir avec moi. Elle peinait car elle ne fait jamais de vélo et je l'ai poussé en lui posant ma main sur le dos comme avait fait le cycliste que j'avais rencontré le premier jour de mon périple à bicyclette pour aller à Paris qui dans une montée voyant que je m'essoufflais, (évidement il me faisait parler), m'avait proposé son aide que j'avais acceptée mi figue mi raisin, un peu vexée tout de même.
Nous sommes arrivées à un embranchement avec une maison et un chemin dans la bonne direction semblant traverser un champ de maïs. J'espérais être tout près du lac pour la petite Flora.... En longeant la maison, nous avons vu deux petits cochons noirs dans un enclos qui semblaient sortir d'une bande dessinée tant ils étaient drôles; puis un homme torse nu d'une soixantaine d'années bien passées avec un accent du nord est sorti de son jardin pour papoter avec nous, et c'était justement un cycliste amateur faisant encore des compétitions. Nous avons parlé de ses cochons (nains, chinois), puis de la route pour aller au lac, de la chaleur, et de son accent "pas du coin".
Flora la jeune fille a déclaré forfait après les explications alambiquées du cycliste qui lui ont fait craindre encore quelques kms sous la grosse chaleur, et elle a ainsi décidé de rentrer; j'ai alors continué mon chemin seule. Après quelques hésitations, j'ai retrouvée la bonne route. Je ne me souvenais plus que c'était si loin à vélo, et j'étais un peu embêtée d'avoir dit à Flora que c'était tout près. Je me suis plongée tout de suite dans le lac dont l'eau était délicieuse, et toute une bande de canard s'est envolée avec fracas, surtout dans ce silence lunaire qui régnait, un silence envahissant. Comme le lac a été construit récemment il n'y a pratiquement pas d'arbres autour, on voit les collines, un champ fauché avec ses rouleaux de foin immobiles, la retenue en pierre qui borde la partie du lac vers la vallée, pas un souffle de vent et un silence absolument complet. Il y a un effet angoissant mais magique à être seule au milieu de cette immense étendue d'eau de plusieurs kilomètres carrés, mais même les distances me semblent faussées. Lorsque j'y nage, je traverse le lac en passant par son centre mais je ne comprends absolument pas à quelle distance je suis de sa rive opposée et vice et versa pour le retour. Il me semble être en train de flotter dans le ciel.
Même le temps est impossible à appréhender et j'ai dû, la dernière fois où j'y étais, par curiosité, regarder l'heure avant et après, et aussi pour savoir à peu près quelle distance j'avais pu faire à la nage en comparant avec celle que je fais généralement à la piscine où l'heure est généralement affichée, et la taille de la piscine connue.
J'ai donc du nager à peu près une demie heure, je n'ai croisé de près qu'une libellule solitaire, et les quelques oiseaux qui volaient étaient des aigrettes blanches qui n'avaient apparemment pas envie de venir près de moi. J'ai de nouveau pensé au fait que les oiseaux dans ce coin ont vraiment peur des hommes. Même d'une petite tête dépassant à peine de l'eau, et en plus je ne faisais pas de bruits ni d'éclaboussures pour écouter le silence. Ils ne comprennent sans doute pas, les oiseaux, que je ne peux absolument rien leur faire. J'aurai aimé qu'ils viennent près de moi et nager avec eux. Je me demande si il existe un endroit où les animaux n'ont pas peur des hommes, à part cette île dont j'ai entendu parler, où les oiseaux se posent sur vous comme si on était tous des saint François d'Assise.
Je suis sortie de l'eau en prenant pied sur la terre qui est très glaiseuse et glissante. Puis dès qu'elle n'est plus touchée par l'eau elle devient jaune claire presque blanche et dure comme du bois. Il n a pas plu depuis ce qui me semble une éternité. On y voit, incrustées comme dans la pierre des centaines d'empreintes de pattes d'oiseaux, puis de quelques pattes de chiens, peut être de renard, et une trace, une seule, de pied humain qui m'a semblée monstrueuse, sans doute parce que l'homme avait du glisser et agrandir par ce mouvement son empreinte. Je n'ai pas vu l'autre pied, ce qui a aussi du contribuer à cette impression d'étrangeté. Puis il aurait fallu voir plusieurs traces. A moins qu'il soit venu en engin spatial et n'eut décidé de ne poser finalement qu'un pied sur ce paysage lunaire, puis soit reparti illico.