Arthur et le Qatar
En parcourant cet article sur les ouvriers au Qatar ,
les efforts fait pour leur donner un cadre de vie correct pour construire les
infrastructures du mondial, puis à la fin de l'article , la "kafala"
toujours en vigueur, (qui est en fait un système de tutelle remplaçant
l'adoption plénière concernant les enfants dans le droit musulman, mais au
Qatar, c'est le droit de l'employeur sur son employé qui lui n'en a pas), donc
à la fin de l'article, je me sens vraiment
mal à l'aise, avec l'information sur ce droit toujours pas aboli nommé la
kafala qui fait que tous ces efforts déployés semblent de la poudre aux yeux
destinés à faire durer cet état de non droit pour les travailleurs, même si
pour les travailleurs en attendant, c'est un peu plus que de la poudre au yeux,
mais ça reste de la poudre de perlimpinpin quand même; Car on peut plus
longtemps s'installer dans une non vie confortable que dans une non vie
insupportable. On ne meurt pas tout de suite, juste un peu plus tard, et de
maux sans doute plus pernicieux qu'on ne
pourra pas reprocher directement aux employeurs Qatari; donc j'ai pensé à la seule relation que j'ai
eu avec le Qatar, et c'était dans les
années 80. J'habitais encore rue de Castelnau avec mes parents et ma sœur et j'avais
cette petite chambre que mon père avait aménagée sous les toits, reliée à l'appartement
par un escalier assez raide. Ma copine
Claire dont la chatte "Roxane" avait fait des petits, nous a proposé
à Perrine (une autre copine) et à moi des chatons. J'ai pris un mâle sans l'assentiment de mes
parents, qui étaient furieux devant le
fait accompli qui avait la forme d'une
bestiole toute noire et assez excitée, et que j'ai appelé Arthur . Ce pauvre Arthur donc "ne devait pas sortir de ma
chambre" ce qu'il s'empressait de faire dès que la porte s'ouvrait, et aussi
d'aller dévorer des pigeons sous le lit de mes parents (c'était sa salle à
manger exclusive) qu'il rapportait de
ses chasses sur les toits ou encore les
provisions que les autres habitants des chambres de bonne mettaient à conserver
sur leur fenêtre, (ce qui était moins drôle) ou de faire pipi dans un coin
presque devant la chambre de mes parents, sur la moquette bleue. Pas très au
fait des habitudes de vie des chats, je décide un jour d'aller promener Arthur
au champ de mars , pour lui faire prendre l'air pour qu'il aille mieux et arrête
de faire des bêtises (qui me réjouissaient autant qu'elles m'emmerdaient ) et
là encore même si je savais que ce n'était pas la meilleure solution, je tente
l'expérience et je le libère au milieu du champ de mars en imaginant qu'il gambaderait
gentiment près de là où je m'étais assise..... Il a disparu en moins de deux. J'ai
mis des affiches partout et quelques jours après nous recevons un coup de fil
d'un homme avec un accent prononcé disant l'avoir entendu chez lui dans la
cave... j'y vais et sonne , surveillée
par plusieurs cameras, à la grille d'un de ces hôtels particuliers du bord du
champ de mars, où je suis reçu par deux hommes en costard bleu marine très
grands et baraqués genre garde du corps, qui parlaient arabe entre eux, avec
des pistolets (et des liasses de dollars mais je ne sais pas si ca je ne l'ai
pas imaginé, détail important pour la suite) qui dépassaient de leur vestons: en
effet Arthur était tombé dans un soupirail qui donnait dans la cave (dans
laquelle séchaient et embaumaient des pommes) mais pour le récupérer il fallait démolir une
cloison qui séparait se soupirail de la cave accessible. On ne le voyait pas
mais quand je l'appelais il poussait des miaulements déchirants qui avaient donc
aussi réussi à fendre le cœur de ces
deux hommes, ceux là même qui m'avaient appelée... (ou alors ils n 'avaient
juste pas envie que le chat pourrisse et pue au fond du soupirail..). J'appelle
illico Selim, mon copain libanais qui
était en archi avec moi et qui avait fait dans ce cadre un BTS de maçonnerie
car je n'étais pas au encore au fait non plus de l'art de démolir et
reconstruire des murs, (sauf en faux sur le calque avec les fameux rotrings), et en plus je me suis dit qu'il pourrait
comprendre ce que les deux sbires se disaient car tout ça me semblait très
exotique et excitant.
Nous revenons donc le lendemain armé d'une masse et de
carreaux de plâtres et Arthur un peu poussiéreux
mais absolument en forme sort de son trou l'air de rien, ne disant même pas
merci... Je ne sais pas si c'est Selim qui ayant surpris des conversations en
arabes entre les deux homme ou autre chose, car aucun signe n'indiquait où nous étions nous
aussi tombé, mais nous avons su que l'hôtel particulier en question était
"la garçonnière de l'ambassadeur du Qatar"..... En tous cas supposant
que les deux sbires aimaient les pommes
et les chats (et n'avait pas besoin d'argent), et que donc ils étaient humains malgré leur flingue, leurs allures de méchant, et leur langage rocailleux, pour les remercier je leur ai
fait des truffes au chocolat que je leur ai apportées... Peut être sont ils
devenus des entrepreneurs qui construisent des stades ou les camps de rêves au milieu du désert pour les ouvriers philippins et indiens?? Je n'ai pas compris en tous cas si mon cadeau leur à
fait plaisir car ils l'ont pris sans dire merci, un peu comme Arthur lorsqu'il
est sorti de son trou.
La relation entre les deux histoires mis à part le Qatar, c'est
que Arthur sans être véritablement mal traité l'a quand même été du fait du
simple non droit qu'il avait de ne
pouvoir sortir de ma chambre, et quand je dis Arthur je peux aussi dire
Marianne.
Si jamais mes parents lisent ce billet, ce que mon père ne risque
pas de faire, ils me reprocheraient encore d'être tordue de comparer ce qui n'est
pas comparable. Ce n'est donc pas seulement le Qatar qui a fait que les deux
histoires sont entrées en relation, mais aussi la "kafala" en vigueur
à l'époque chez mes parents, dans les deux sens du terme, que l'anecdote avec Arthur
a fait ressortir de son trou.




