J’ai toujours été persuadée que je soudais mal. Je parle de la soudure à l’arc, celle qui fait des étincelles partout, comme des feux d’artifice. Évidement je n’ai pas appris, j’ai tâtonné et c’est peut-être pour cela que je me suis forgée cette conviction. Pourtant apres toutes ces années, je devrai souder correctement non ? Quand j’ai fait la grande fusée, je n’ai soudé que des matériau de récupération jamais de la même épaisseur, jamais du même genre d’acier : creux, pleins, forgés ancien, tuyaux de chauffage, fer à béton moderne, structure de lit, cornières etc… Tout ça plus ou moins perchée sur une échelle à cinq mètres de haut ... Tout ce que je trouvais je le soudais afin de fabriquer une structure, puis je l’ai recouverte de tôles, récupérées aussi. Bref, n’empêche, que même si je soude mal comme je le crois, elle tient cette fusée depuis un certain nombre d’années, une quinzaine, et a même été couchée, trimballée, remise debout, exposée, re-trimballée sur plusieurs centaines de kilomètres, et re-re-remise debout. Elle vit dehors, sans protection ni réparations, et les poules se mettent même dessous pour se reposer d’avoir fait des œufs. (Pour lui donner l’idée d’en faire aussi ?) |
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Il y a quelques années un ami me dit « ce qui caractérise ton œuvre c’est la fragilité ». Ha, tiens, je n’y avais jamais pensé, il a sans doute raison. Tout est peut-être fragile dans mes créations mais n’empêche que ça tient. Mes autres objets, faits souvent avec de petits moteurs improbables de vielles imprimantes ou d’électroménager ou de trucs dont je ne connais même pas l’origine, tournent toujours, font leurs bruits bizarres, et je me demande encore comment … Jusqu’où iront-ils ? Seront-ils encore vivants après ma mort ? Ont-ils seulement « l’air » fragile ou le sont-ils vraiment ? Et moi ? |
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En observant les soudures des roues de ma tondeuse que je voulais monter sur une nouvelle « voiture », celles de l’axe sur la structure de la roue, et bien je me suis aperçue qu’elles étaient aussi moches que les miennes ! Est-ce que cela m’a rassurée ?? Pas vraiment. Mis à part le fait que souder c’est tout un symbole, qui peut dire vraiment ce que c’est, la soudure, à part les ouvriers et les artistes ? En résumé et simplifié, on crée un arc électrique tellement fort, donc une différence de tension, entre deux bouts de métal, qui alors fondent et se soudent entre eux. C’est un peu dangereux, mais assez magique. Au début je trouvais que je n’y voyais pas assez bien à travers le casque de soudeur dont la vitre pour protéger les yeux est pratiquement noire, alors j’employais des lunettes de brasage… Ce n’est pas la même chose… Mon visage était tout bronzé m'a-t-on dit en plein hiver, alors je me suis dit que quand même il fallait mieux que je revienne au casque de soudeur… hum, hum… Et puis comme on ne veut pas mettre de gants car autrement on n’arrive à tenir les choses correctement, on se prend des étincelles qui piquent et brulent sur les mains et les avant-bras. Une fois je me suis retrouvée par terre, projetée… J’avais pris le jus, je ne sais pas comment. Oui, oui, il y a de petits accidents inévitables. Quand les métaux ne sont pas de la même épaisseur celui qui est plus fin coule et on fait des trous. Il faut alors la jouer finement. |
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Je pensais donc à la soudure car quand je regarde les miennes elles ne ressemblent pas beaucoup aux images des « soudures comme il faut » : le « cordon de soudure » chez moi est un peu mitigé. Et puis il y a quelques jours j’ai démonté une vielle tondeuse qui ne marchait plus, car le réparateur m’avait dit « Niet ! », (maintenant ils disent presque tous ça, avant que la tendance ne s’inverse un jour). Dans tous les cas pas question d’aller dans un « repair café » passer des heures à réparer moi-même le « carbu » de ma tondeuse. Donc je la démonte pour récupérer ce qu’il y a à récupérer, c’est le nerf de la guerre des artistes de la récup. Si c’est drôle au début et qu’on est plein d’enthousiasme à l’idée de trouver des pièces intéressantes, au bout de quelques après-midi (oui ! même si ce n’est pas à plein temps) c’est vraiment l’horreur. On aimerait avoir le matos adéquat, la bonne clef, le bon tournevis, le super dégrippant, les bonnes mains, grandes et fortes, savoir dans quel sens on tourne le boulon du moteur, etc…. Au début c’est rigolo de chercher et d’apprendre des trucs sur la mécanique, mais à un moment quand tout l’huile se déverse à vos pieds , puis qu’on bouche un trou et puis sans faire attention on retourne l’engin pour démonter autre chose et bien ça recoule en masse par un autre trou, puis à la troisième flaque d’huile noire au milieu de l’atelier, là on craque … On en peut plus de cette putain de tondeuse. Sans parler de tous le corps qui fait mal et des mains noires qui ne se lavent jamais à fond. J’ai récupéré des roues tout de même. Bref cet épisode de démontage à peu près fini, me rappelait aussi celui d’un lave-linge qu’un voisin m’avait donné. Il n’y a pas d’huile là-dedans mais c’est dégueu, plein d’odeurs de vielles lessive, de bourres, de graisses marronnasses solides… en plus ce n’était pas « notre » crasse. A la fin j’étais un peu contente, j’ai eu un tambour et des tôles pour la fusée. Mais bon : « quel boulot ! » dirait ma mère. |
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Et puis il y a la meuleuse ! Ah, la meuleuse ! Je lisais un livre de Clémentine Mélois qui raconte la (fin) de vie de son père artiste, Bernard Mélois et son rapport à la meuleuse … La meuleuse c’est vraiment l’outil indispensable. Il en faut plusieurs, une qui coupe (les pièces à assembler), une qui meule (dégrossi), une qui décape (enlève la rouille ou la peinture pour que la soudure prenne). On s’en prend plein les narines et on se meule aussi des bouts de mains assez régulièrement, quand la meuleuse ne vous échappe pas en faisant des bonds sauvages. On enlève forcement la protection du disque (qui coupe ébrase ou ponce) de la meuleuse pour avoir plus de latitude. Autrement ce n’est pas possible. J’ai une bonne collection de ces protections en métal, je ne sais pas si un jour j’en ferai quelque chose. … Le problème c’est le aussi bruit. Donc bientôt, et je commence seulement à y penser, j’aurai dû le faire avant, je deviendrai sourde, aveugle, et je n’aurai plus trop de doigt. Ça règlera l’histoire du piano, car je n’arrive pas à me résoudre à l’arrêter complètement alors que vraiment, je n’ai plus le temps et il faudrait, pour bien faire, ne pas se dissiper. |
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