La poisse c'est quand on arrive
plus à passer entre les gouttes ; c'est quand on a l'impression qu'avant on
s'en sortait toujours par une pirouette, mais que tout d'un coup, là, ça ne
marche plus, et alors tout vous tombe dessus en avalanche.
Les aléas de la vie font qu'on a
toujours des emmerdes, c'est inévitable, mais la poisse c'est quand ces
emmerdes vous touchent particulièrement, vous écrasent, que vous vous sentez en
danger, que vous avez l'impression que jamais ça ne s'arrêtera, et que vous allez finir par y laisser votre
peau. C'est quand on arrive pas à avoir du recul, car la poisse c'est pas si grave, ce n'est
que la poisse, rien de vital n'est touché en apparence, mais votre moral oui,
et votre envie de vivre aussi.
Un des derniers trucs qui m'est
tombé dessus c'est qu'en mon absence ma voiture a été défoncée dans la rue où
je l'avais garée, et bon malgré tout ce que
ce genre d'événement provoque comme perte de temps, coups de fils multiples,
paperasse à remplir, etc., ça m'a fait un peu rigoler, je me suis dis "
tiens, ça continue! mais je vais peut
être commencer à prendre ça autrement!".
Mais là, il faut dire je n'y
étais pour rien, je ne m'étais même pas mal garée. …..
Hier à Paris avec la super
voiture de location que mon assurance a fini par me filer après avoir bataillé
un peu, j'ai malencontreusement "touché" le retro d'un gros 4x4 qui avait
fait un écart donc en fait c'est lui qui a touché le mien, mais je dois avouer
que je n'étais pas tout à fait à ma place: j'avais doublé par la gauche la longue
file des voitures qui était coincée à un feu rouge, et il y avait largement de quoi passer, d'après
moi, mais le dimanche les gens conduisent comme des conducteurs du dimanche, et
personne n'avait eu l'idée de se mettre sur la 2ème file, mais je l'ai fait car j'étais un peu pressée, et
c'est là que le 4x4 a légèrement tourné alors que je venais de m'arrêter. Le mec (évidemment, un mec! qui peut conduire une grosse land rover avec
des pneus fait pour sillonner l'Afrique
en plein Paris?) est sorti comme une
furie, et s'est mis à donner des coups violents de tatanes dans ma voiture
flambante neuve (je voyais déjà la loueuse avec son petit gabarit
mesurer les bosses pour savoir si il m'incomberait de payer leur réparation),
puis a essayé d'ouvrir ma portière qui heureusement s'était verrouillée
automatiquement , du coup encore plus furibond s'est mis à donner de grands coups de poing sur la vitre, et à m'invectiver: "Hé,
la vielle , repasse ton permis etc…"…là, j'ai moins ri, car je trouve que ce n'est déjà pas super drôle
de vieillir et l'injure qui ne devrait pas en être une, mais que j'ai pris
comme telle vu la fureur du mec, ne m'a pas permis de prendre le recul nécessaire
pour apprécier cette situation à sa juste valeur. J'ai filé, les larmes aux
yeux et le type m'a poursuivit et pris des photos de mon retro rabattu. En
retour j'ai pris moi aussi des photos de sa plaque d'immatriculation et des "non
dégâts" que j'avais provoqués. Après je me suis trompée d'autoroute, me suis mise à tournicoter dans des voies de
dessertes qui m'ont fait perdre tout sens de l'orientation, me suis mise à hurler contre le monde entier, toute seule dans mon
habitacle calfeutré, et je suis arrivée très en retard à la clôture de mon exposition.
Les autres emmerdes je ne vais
pas les raconter.
Quand même, ce matin, je reçois
un SMS: " votre agence a été incendiée aucune victime à déplorer, votre
conseiller reste joignable, banque Trucmuch " j'ai cru à un canular, un
des ces SMS qui vous sont envoyés par erreur, mais non, en ouvrant mes mails
j'ai eu la confirmation, c'était bien
pour moi, et c'était bien ma banque, et
là ça m'a fait fait rire... Même si ça me touche moins, c'est quand même ma banque qui n'a qu'une seule agence à Paris, et
si j'avais eu un coffre plein de lingots d'or il aurait pu être pillé par les
gilets jaunes, et ma banquière est peut être traumatisée, et n'a pas peut être
pas pu retrouver son bureau, ses papiers et tous les secrets que je lui ai
confiés.
Tous les autres emmerdes que j'ai
eu depuis le début de l'année sont, contrairement à ce dernier (quoi que??... Si
je suis considérée comme une affreuse bourgeoise?) vraiment dirigés
"contre" moi; j'ai eu (et ai
toujours) une part bien plus active dans l'équation, je suis le x avec
puissance, et le résultat dépendra de mon comportement, de la valeur que je
donne à ce x qui est moi, de la façon dont il se placera dans l'équation, et de
ce que je mettrai à coté de lui pour qu'il prenne la valeur adéquate, et de ce que j'y inclus comme autre paramètre,
pour que le résultat soit en ma faveur.
Pour la voiture accidentée sans
moi, c'est aussi un peu le cas mais je
n'arrive qu'après la première équation introductive, qui elle s'est faite avant, et une 2ème se
crée après qui inclue la 1ère, et dans laquelle là j'apparais, et où il faut aussi
que je tienne un rôle actif.
La poisse c'est quand le problème
a eu vraiment le temps de se poser, de
s'incruster dans les tablettes …. C'est , finalement comme quand on est à
l'école devant son bureau et devant sa feuille, et que sur celle ci, les signes qui forment l'équation de math à résoudre sont des petits lutins ricanant et contorsionnistes
qui vous font des grimaces et des pieds de nez, que les aiguilles de l'horloge
au dessus de la porte avancent, par à coup, inéluctablement, que le surveillant à des yeux partout, et ne
vous laisse pas la possibilité de demander de l'aide à votre voisin, et que, de toutes les façons, lorsque vous jetez
un coup d'œil alentour dans la salle de classe vous les voyez tous penchés sur
leurs feuilles, concentrés et en train d'écrire frénétiquement, et qu'il y en a
pas un comme vous, l'air hagard qui implore aussi de l'aide, que vous vous
sentez tellement seule, que la panique s'empare de vous, et que vous pensez que
vous n'y arriverez jamais, que c'est la fin du monde qui s'annonce…
Puis, une lueur se fait, vous
avez comme une intuition, vous commencez
petit à petit à apercevoir que les lutins sur votre feuille ne sont pas
si hargneux, et qu'il y a peut être une possibilité que vous puissiez arriver à
les apprivoiser; Alors, ils arrêtent de faire les pitres, puis se mettent à
vous regarder, et même à vous dire des trucs sympas, puis à vous
donner des idées, puis vous leur faites un clin d'œil, et ça y est vous allez
les emmener là où il faut.. ouf!
Bon, je respire, je me concentre….
j'ai encore un peu de temps pour m'en sortir, hein "la vielle", tic tac, tic tac
……