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dimanche 27 janvier 2019

L'inauguration



Samedi 26 janvier
L'inauguration

               Ce soir j'ai fait une grande inauguration de ma maison mais je n'ai invité personne; En effet quand on a la grippe mieux vaut ne pas risquer de la transmettre . Je l'avais déjà eu il y a au moins 8 ans et je me souviens que Jürgen avait été obligé de me porter à la salle de bains, c'était à Labatut dans une maison glacée où il fallait l'atteindre par un escalier. Ici ça va, la configuration est bien plus pratique, je me suis débrouillée. Mais quand même c'est très violent cette grippe, je ne m'en souvenais pas comme ça. En tous cas si je résiste à une vilaine grippe dans ma nouvelle maison, à peine finie, à peine habitée, si je m'y sens "bien" pendant la grippe, si on peut dire,  c'est que c'est bien "ma" maison.
De mon lit,  je vois le ciel, et comme il y a plusieurs fenêtres, chacune d'elle découpe un paysage diffèrent. A gauche, qui est l'Est, un cèdre énorme, et dont les branches sombres et touffues ne dépassent pas dans la fenêtre du milieu, qui elle découpe les fins branchages d'un acacia, qui a été souvent élagué et qui donc a repoussé du moignon en des tas de rameaux verticaux; l'arbre en entier est sans harmonie, mais de mon lit je vois plein d'oiseaux (merles, mésanges, rouges gorges) qui se posent dans ses branchages et qui font leurs petites affaires d'oiseaux, quelles qu'elles soient, et qui me semblent absolument essentielles. A droite, au sud ouest, je vois les coteaux de la Seine et un bel arbre lointain, peut être un hêtre. On voit aussi quelques pylônes électriques ce qui n'est pas pour me déplaire, et des vols d'autres oiseaux divers dont ceux des mouettes et ceux en triangle d'anatidés, mais je ne saurai dire de quelles espèces.
Aujourd'hui on entend la rumeur de l'autoroute, et, si je m'assoie dans mon lit, je la vois, puisqu'il fait nuit, sous forme de tas de petites lumières qui filent, et qui se reflètent dans la Seine, ainsi que des balises vertes qui clignotent au sommet de poteaux fichés dans son lit. (elle aussi y est, même si parfois elle a envie d'explorer les environs, ce que je comprends parfaitement, étant actuellement dans une situation  assez semblable à la sienne)
             De mon lit à moi j'entends plus que je ne vois, tous les bateaux qui passent dans son lit à elle, sur ses eaux, qui sont plus jolies de loin que de près. Car la seine est quand même un peu sale, on a beau dire, et on a pas très envie de regarder ça de plus près. En tous cas, ça ne dérange pas le couple de cygnes car ils semblent vivre dans le coin et vont toujours ensemble quémander des bouts de pain aux humains qui squattent les abords de leur domaine. Ils leur doivent bien ça.
Parfois des bateaux décorés sur toute leur longueur d'une ligne de petites lumières assez vives apparaissent et n'en finissent pas, et on se demande ce qu'ils transportent pour être aussi longs. Tout ce qui se passe sur la Seine, on l'a quand même pas mal oublié. Pourtant avec Fred[1] nous avions bien organisé cette exposition itinérante dans une barge qui racontait tout ça et qui s'était baladée dans les grands ports d'île de France. Il est temps d'en refaire une. Parce que les parisiens à part les bateaux mouches et maintenant les bars sur des édifices qui flottent mais sont bloqués sur place,  ils y connaissent que dalle à cette Seine. Ce n'est pas immobile, la Seine, ce n'est pas juste ce qui agrémente  les photos des touristes, ce qui reflète les couchers de soleil,  ce qui donne une belle lumière, et dont les berges fermées aux voitures font râler. Sur la seine, il se passe beaucoup de choses et il en passe encore plus.
           Et tous ces animaux qui y vivent dessus dessous dedans….. Je vois souvent des pécheurs, mais je ne leur ai pas demandé si ils mangeaient ce qu'ils péchaient car j'ai évidement peur d'une réponse négative. Décider d' habiter au bord de l'eau inclus forcement pour moi, le fantasme de pouvoir m'y baigner. Je préfère donc laisser cette question en suspend pour ne pas troubler l'épanouissement de mon inconscient à ce sujet,  -pour le moment-. Du coup j'ai essayé la piscine dite "Tournesol" de Porcheville qui a été construite dans les années 70. Arnaud[2] m'a raconté à son propos que de Gaulle, vexé que les français soient revenus sans la moindre petite médaille en natation des jeux olympiques de 1968, a lancé la phrase: "Faites Moi Nager Les Français!" et un concours a été organisé pour dessiner et construire des piscines rapidement. La piscine Tournesol fait partie du programme des "Milles Piscines" dont 6 ou 700 ont été construites, et 183 du type "Tournesol", appelées ainsi car recouvertes d'une structure en coupole faite de plusieurs quartiers qui peuvent pivoter de son centre et glisser sur sa circonférence, et ainsi s'ouvrir aux beaux jours. Il en reste pas mal dispersées dans toute la France, bien que beaucoup aient été détruites. 
Tout est de type "industriel" dans cette piscine, et donc assez beau, bien plus beau et pérenne que ce qu'on a construit depuis comme piscine publique me semble t-il. Puisqu'on parle de piscine et de Seine, parlons de celle qui est dans le 13ème et qui flotte presque devant la TGB, construite assez récemment (pour "remplacer" Deligny qui était vraiment top...) mais qui est souvent fermée pour réparation,  ou bondée quand elle ne l'est pas, d'autant plus qu'elle ne fait que 25 mètres  et que dans le petit bain de ces 25 mètres on a de l'eau que jusqu'au genoux.  Parfois je préférerai me baigner dans la Seine que dans certaines piscines publiques de Paris.
Ma piscine Tournesol donne l'impression d'être privée, en hiver tout du moins,  ce qui est assez agréable.
Donc pour revenir à mon inauguration, vous l'avez compris elle est solitaire,  mais je trouve qu'elle est bien trouvée. Apres ça les compteurs seront remis à zéro dans mon corps,  ou tout du moins j'imagine qu'il se passe quelque chose de ce genre après qu'on ait eu plein de fièvre, une sorte de renaissance,  et d'ailleurs,  en est déjà pour preuve ce texte inaugural qui est né justement de ça. 
Je ne sais pas si il y aura des "Porcheville" comme il y a eu des "Labatut", car non seulement je ne suis qu'à une petite heure de Paris, (même si ça peut tuer aussi[3]) mais en plus, il me faudra quand même encore un moment pour l'apprivoiser, ce nom de lieu, n'importe qui ne décide pas comme ça d'habiter "Porcheville"!! Il faut avoir un certain courage, je trouve.  




[1] Fréderic Beuvry Designer
[2] Arnaud Bical Architecte.
[3]  Cf Lacan.