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lundi 25 décembre 2017

Une histoire de Noël??


Je crois que je n'ai jamais raconté cette histoire, sauf à certains qui seront donc dispensés de la lire.
 Lorsque mon père est mort il y a 5 ans, nous avons fait les démarches nécessaires pour l'enterrement. A Villebrumier,  il y a un cimetière où est déjà enterré Thomas mon petit frère, mort à 3 ans, qui s'est noyé dans la piscine que mon père avait construite "de ses mains", qu'il avait donc creusée aussi. 
Mes parents n'ont jamais eu le courage de faire poser une pierre tombale pour Thomas, ils ne sont pratiquement pas allés sur sa tombe, et moi non plus, et c'était surtout quelques dames du village qui y allaient pour y déposer des fleurs. Elle était tout de même matérialisée par une petite croix en fer ancienne, peinte en blanc, une de ces croix que l'on trouve sur les tombes des pauvres ou les tombes un peu abandonnées, et quelques briques étaient aussi disposées pour délimiter un petit rectangle.
Chez le croque mort, à Montauban, ma mère explique que Daniel, son mari,  voulait être enterré près de son fils, mais qu'elle ne sait pas si il y a "la place", et le croque mort lui a répondu: "Vous savez, les ossements d'un tout petit petit garçon enterré il y a 40 ans ont sûrement déjà disparus, je pense que nous pouvons sans problème enterrer votre mari au même emplacement, car à mon avis, il ne reste rien".
Mais en rentrant à Villebrumier, je raconte ça à Jürgen, qui me dit "Moi je n'en suis pas si sûr."
La veille du jour décidé de l'enterrement, le matin, les fossoyeurs devaient creuser le trou. Jürgen me dit alors qu'il part au cimetière, moi je ne réagit pas, j'étais en train de faire des petits trucs à manger pour la réunion post cérémonie, car plein de monde venait à cette occasion.
Un peu plus tard, Jürgen revient et me montre l'intérieur d'un petit carton: j'y vois quelques petits ossements blancs. Ce sont bien des ossements humains et en effet ceux d'un petit enfant, ceux de Thomas, forcement.  Nous nous disons alors  qu'il faudrait les mettre dans une petite boîte et, que lors de la mise en terre de mon père, il faudrait la poser sur son cercueil et l'enterrer avec lui. Alors nous filons à l'atelier de Papa chercher du bois pour essayer de fabriquer une jolie boîte.
Parmi les planches adossées en désordre contre un mur de l'atelier, j'en vois une qui me paraît bien, et que je sors alors du tas, puis en enlevant la poussière qui la recouvrait, je vois apparaître des mots écrits sur la planche.  Je reconnais l'écriture de mon père et je lis  :  "noyer, réservé"...

Il y a plusieurs années mon père avait fait abattre un gros noyer du jardin et l'avait fait débiter en grandes planches avec lesquelles il pensait fabriquer un meuble. 
A cette époque je commençais à bricoler et je me battais avec lui constamment. Il râlait que j'utilise son atelier et ses outils, que soit disant "j'abîmais", et son bois, que je ne devais pas prendre, et je me faisais engueuler tout le temps car je profitais de ses absences pour faire ce que je voulais. 
Ces planches de noyer, je n'avais jamais pu y toucher, pourtant j'en avait réclamé souvent des morceaux; un jour j'avais finalement réussi à obtenir un  bout de loupe, très dur que j'avais coupé en un genre de parallélépipède, dans lequel j'avais sculpté laborieusement une spirale au creux de laquelle j'avais posé une ligne de minuscules loupiotes. C'est une lampe que je n'avais jamais voulu vendre puis j'ai fini par le faire, il y a quelques années avant de partit à Labatut, car je déménageais et voulais faire un peu le vide. J'aimais bien cet ami qui me l'avait achetée; il avait du sentir quelque chose car il m'avait dit plusieurs fois "tu es bien sûre que tu veux me la vendre?"
Aussi, dans cette maison que j'habitais à Paris, il y avait un petit jardin en plein milieu duquel poussait  un immense noyer, et j'avais décidé de faire couper, alors que je reprochais à mon père de couper tous les arbres, mais celui là mangeait vraiment toute la lumière; il y avait aussi un grand cerisier, cela faisait beaucoup d'arbres pour un jardin de 50 mètres carrés; Jean m'avait dit : "Et en plus c'est un noyer que tu veux faire couper! .. "  "oui et alors?" lui répondis-je. Jean: "Un noyer, comme ton frère!" 
C'etait la première fois que j'avais pu faire le rapprochement, car je n'étais pas encore au fait de la psychanalyse et des arcanes de l'inconscient.  Est ce que j'avais choisi aussi cet appartement à cause du noyer? 
Mon père en avait plantés deux autres, des noyers, dans le jardin près de la maison à Villebrumier, puis encore quatre ou cinq un peu plus bas vers le Tarn, car "il adorait les noix". cela faisait beaucoup de noix..Je ne sais pas pourquoi il avait auparavant coupé le vieux. Peut être aussi faisait-il trop d'ombre.

 La veille de son enterrement, c'est donc bien sûr avec cette planche de "noyer réservé" que j'ai fabriqué la petite boîte dans laquelle nous avons mis les ossements de mon petit frère récupérés par Jürgen. Je l'ai coupé soigneusement de telle sorte que l'écriture qui disait "Noyer réservé" se trouve sur le couvercle de la boîte. Au cimetière, Daniel et son fils Thomas, ont donc été enterrés ensemble.

Cet après midi, il faisait très beau, et j'ai fait une balade à vélo dans la plaine le long du Tarn. En rentrant j'ai fait un détour pour ne pas avoir à grimper "la Côte du Touron" qui est assez raide, et j'ai fait le tour du village, puis j'ai pris la "rue Haute" qui aboutit au petit chemin qui longe le coteau vers le cimetière et qui continue encore un peu plus loin vers une maison. J'ai donc longé le mur du cimetière et ses beaux cyprès sans m'y arrêter, mais comme après quelques dizaines de mètres on arrive à une impasse, j'ai rebroussé chemin, et j'ai alors eu le temps de me raviser et de décider d'aller voir la tombe commune de mon père et de Thomas, et sa pierre tombale que ma mère et ma sœur ont finalement réussi à faire fabriquer. Je ne l'avais encore jamais vue. Je ne pensais pas être émue mais tout d'un coup de me retrouver là, devant cette pierre dont je lisais les noms gravés de mon frère et de mon père, leurs dates de naissance et de mort, m'a fait monter les larmes aux yeux. Je me suis alors vraiment demandé pourquoi, le fait de se retrouver au même endroit que les restes des corps des gens qui nous étaient proches avait tellement d'effet et d'importance… Parce qu'ils étaient des corps avant tout et pas de simples esprits évanescents...
Loin des yeux loin du cœur ça marche aussi (en le prenant à l'envers) même quand les gens sont six pieds sous terre. Tout ça fait-il une bonne histoire de Noël? Si oui je l'ai donc quand même célébré un peu, à ma manière.  
  

lundi 23 octobre 2017

Bye bye Labatut




Le 9 novembre je m'envole ailleurs. Ce sera finalement la vue que j'aurai de ma fusée, si il fait beau,  je n'y avais pas pensé en dessinant la maison comme ça, c'est seulement maintenant que cette idée me vient à l'esprit, comme une évidence. 
Ce sera donc le dernier "Labatut" pour ceux qui étaient familiers de mes textes. 
A moins que j'en écrive d'autres, après avoir digéré ce départ et ces moments fabuleux, dans tous les sens du terme, que j'ai passé dans cette maison, avec Jürgen, ses filles, mes amis d'ici et d'ailleurs, les Nounours, Ploum, Petit-chat, et Caramel, puis Fifi, la seule de cette petite troupe féline qui soit encore là, et qui partira avec moi. Maunzi, Grosse-tête et Honorine sont déjà partis. Resteront les arbres, les oiseaux, les hérissons, les vers de terre, les papillons, les araignées, les escargots, bref, je ne vais pas vous faire toute la liste quand même, mais disons que la maison ne sera pas abandonnée. En plus la personne qui la rachète, Gilles, est un type formidable et je suis ravie que ce soit lui qui s'en occupe après moi, après nous. Dimanche prochain je fais une petite fête d'au revoir pour les gens d'ici et c'est à cette occasion que j'ai fait ce dessin. 
Bye bye Labatut!     


dimanche 23 avril 2017

Aujourd'hui, on vote!







Etais-je la seule, à avoir immédiatement et systématiquement changé de chaîne à la télévision, lorsque je tombais sur la tête parlante de l'un ou l'autre de nos candidat(e)s à la présidentielle? Je ne supportais pas de les voir, ni surtout de les entendre…. C'était une impression physique, psychologique, ce qu'on veut, mais il était impossible de m'y intéresser plus d'une seconde, car je pensais que j'allais perdre mon temps. Même ces prospectus reçus par la poste, je n'ai pas réussi à les lire. J'ai essayé, pourtant… Je me sentais comme une mauvaise élève n'allant pas aux cours… Puis, je me suis dit:  "Bon, dimanche, avant de voter, je ferai comme avant le bac, je réviserai en zappant de l'un à l'autre,  quelques minutes pour chacun,  sur internet"… Et bien non.. J'ai juste un peu écouté certains de mes amis en qui j'ai confiance… Il s'est trouvé que c'était souvent ceux qui justement ne peuvent pas voter, et ce malgré le fait qu'ils paient leurs impôts en France depuis de nombreuses années, car ils n'ont pas pris la nationalité française. Vous trouvez ça normal?
Arrivée dans l'isoloir, j'étais toujours aussi dubitative. Puis je me suis souvenue de ce que m'avaient dit les nounours; certains les connaissent, d'autres moins ou pas du tout, mais j'ai décidé de leur faire confiance, car sincèrement cela m'a semblé plus sage que de me fier à n'importe lequel des programmes politiques présentés, qui de plus, ne sont même pas obligés d'être tenus. J'ai donc préféré avoir l'avis de Maunzi, Grosse-tête, et Honorine, pour ce premier tour.  
Voilà donc ce qu'ils m'ont dit: "Le seul qui a un nom de nounours, c'est "Poutou", parce que, désolés, mais "Mélanchon" c'est quand même très moche! Qui voudrait voter pour "Mélanchon" ! ??…Pourquoi pas pour Bidochon tant qu on y est ! Ha ha ha!!! (Ils faisaient référence à "Monsieur et Madame Bidochon" de la bande dessinée de Binet).Ils ont continué: " Et "Le Pen" !!! n'en parlons pas, "La peine" oui plutôt!!! "Ha ha ha!!!" …  Et ils étaient morts de rire… Apres, Honorine, qui comme on le sait peut être est obnubilée par ses sablés, a rajouté: "Macron, on dirait un nom de sablé vraiment brûlé, "Fillon", de sablé tout mou et pas cuit, tandis que Poutou, ça a l'air bon et rassurant, comme un bon sablé tout chaud". "Grosse-Tête a trouvé que ces deux syllabes répétées faisait un super son bien rythmé pour une danse de nounours, "poutou, poutou, poutou, poutou," un peu comme "patoune", et puisqu'elle danse avec ses "patounes" justement, me dit-elle….(Oui les nounours ont des "patounes" pour ceux qui ne le savaient pas..) Et Maunzi, m'a dit que c'était un nom "ouvert", et que pour nommer un objet intergalactique, une fusée par exemple, ce n'était pas mal, et qu'en plus c'était facile à retenir. ... 
il y a eu d'autres blagues qui ne font rire qu'eux (et moi évidement): "Hamon=Jambon, Dupont, heureusement qu'il a Aignan avec lui, Artaud poil au Dragonico" etc... Bref, ça c'était pour le nom.
Apres, pour le reste, je me suis aussi souvenu que j'avais réussi à tenir une demie minute devant Poutou, un record, alors qu'il disait à une journaliste: "Ce n'est pas parce que je ne suis pas en costume cravate que vous pouvez m'interrompre"… Maunzi aurait aussi dit la même chose ! Honorine aussi qui ne quitte pas son tablier à carreaux. Puis Grosse-Tête n'a peut être pas remarqué qu'il était en Tshirt… 
J'ai donc mis le petit papier avec marqué "POUTOU " dans l'enveloppe. Et pour ceux qui trouvent que je suis légère, je réponds que ce n'est vraiment pas de ma faute si je dois me fier à mes nounours pour voter.
Pour le second tour on verra.  


Il est vraiment dommage que les nombreux commentaires que je reçois sur mon mail ne soient pas mis sur ce blog, en public!!!
                                                         
                                                                                                                                                     

mercredi 22 mars 2017

la cour de récréation




       Dominique Lagrange, professeur de français au collège de Vic en Bigorre, m'a proposé d'intervenir comme photographe sur le thème de "la cour de récréation" Je suis donc venue un matin de 9h a 10h rencontrer les élèves de sa classe de 3éme.
Les photos que j'ai faites ont été présentées la semaine suivante lors de la matinée "portes ouvertes" du collège.
La cour de recréation

Lieu de jeu, de détente , où l'on est tous ensemble, mais où il est difficile de se retrouver seul si on le désire, lieu où l'on se doit d'être sociable, alors que l'on en a pas toujours envie, et où la solitude peut être stigmatisée. 
Lieu généralement clos de mur, où la liberté est surveillée, où l'on est vu, non seulement par les adultes mais aussi par les autres élèves.
Lieu où peuvent s'épanouir amitiés comme inimitiés, douceur comme violence, bienveillance comme moquerie. 

Sur ces photos on voit la cour dans son ensemble, avec une mise en scène permettant d'isoler un élève pendant que les autres tiennent le drap.
 
La cour est la scène du théâtre, 
Les élèves qui sont derrière le drap sont les figurants, les acteurs secondaires 
L'élève isolé et assis, est l'acteur principal. 

Non seulement, techniquement, le drap met en valeur l'élève seul, il permet d'avoir un fond neutre et de faire ressortir la silhouette, d'éclairer le visage,  mais aussi il permet de l'isoler des autres pour qu'il puisse se retrouver, être lui même, et ne pas forcement participer au jeu social. Bien sûr il y a le photographe qui le regarde, mais il a sa propre attitude face l'objectif, même si je lui ai demandé d'avoir l'air sérieux. Ce que je lui suggérais en fait,  c'est de ne pas faire "comme les autres". Ainsi dans l'attitude, la pose particulière qu'il a  décidé de prendre à ce moment là, il a pu exprimer son individualité.

J'ai alors re-cadré les photos pour faire ressortir cet aspect: On voit alors l'élève comme si il était dans une pièce fermée, tout seul, face à lui même. 
Le choix du drap n'est pas innocent: on est généralement dans une grande intimité lorsque l'on est dans son drap, dans son lit, et on peut même dire,  que là dans la cour de recréation, où ce n'est pas vraiment l'endroit,  on se retrouve alors "dans de beaux draps"*…

Petite sélection des photos













  
  
  

                                       

Ces 2 photos :Dominique Lagrange


                                           

samedi 4 mars 2017

3 Poèmes des premières nuits sur l'île.




Le Chat

Dans la constellation des étoiles, il est là mon ange gardien,
Noir, blanc gris ou ce qu'il veut, à raies ou plein de taches,
Beau toujours, drôle aussi,
Je sens sa rumeur apaisante,
Son petit moteur de bonheur,
Et avec sa langue râpeuse, il nettoie les ondes de ma peur,
Sa douceur pleine de prestance,
Sa souplesse précise et son abandon m'enveloppent d'une nuée de confiance qui se dissipe comme un brouillard matinal,
Mais il aura déposé pour toujours une vérité sur la différence qui nous unit.


La Mer

Comme un nuage épais et dense
Le bruit de la mer enveloppe tout
Je ne sais pas si j'ai peur ou si il me rassure
Il me semble avaler l'espace avec sa grande gueule respirante
Mais je ne sais si c'est pour mon bien ou pour mon malheur.
Je m'endors écrasée plutôt que bercée
Et me réveille régulièrement
Etonnée d'être d'être là, encore vivante à côté du monstre
Et si le chat blanc est venu hier soir dormir avec moi, c'était pour me protéger et dire aux vagues de  se tenir à carreau
J'ouvre la porte sur la coursive où il se tenait hier à la même heure
Mais il s'occupe de quelqu'autre être sensible et effrayé, qu'il doit soigner
Le temps de sa première nuit prés de l'antre de la Mer
Dont on ne saura jamais si elle nous aime ou nous hait
Comme cette autre qui fait semblant de ne pas être la même
Comme si un pauvre "e" pouvait faire la différence.


La Mouette

La Mouette nous nargue
Elle s'approche et plane
À deux pas de nous, à hauteur de nos yeux,
Nous qui sommes plantés comme des arbres sur cette terrasse,
Elle nous regarde et vire et puis revient,
Nous montre l'étendue de ses ailes et la facilité de son vol, s'éloigne à nouveau
et bat légèrement de ses merveilleux bras, plus utiles au bonheur que les nôtres, en cet instant où jaloux et empâtés, nous la regardons s'éloigner d'un petit coup de vent qui suffit à la porter,
Elle file, se moquant de nos activités terrestres,
Si lourdes du sens qu'on leur donne.

Là, nous dérivons aussi dans nos esprits abrutis,
et le vol éveillât un éclair de liberté.




jeudi 5 janvier 2017

Nouvelles de Labatut et énergie renouvelable.




  


Énergie renouvelable 

          J'ai un problème de chauffage à résoudre. Jusqu'à mi décembre il faisait très beau, et je n'avais pas encore besoin de me préoccuper de cette question. Je travaillais toute la journée à l'atelier et même si il n'est pas chauffé et n'a d'ailleurs rien pour fermer ses ouvertures,  je n'avais pas froid puisque les actions de souder, visser, taper, poncer,  couper, percer… nécessitent pas mal de mouvements plus ou moins énergiques , et puisqu'aussi je portais une tenue constituée de diverses couches - T-shirts, vieux pulls en cachemire , caleçon, pantalon, chaussettes, combinaison de travail, - qui me permettait la pratique de l'effeuillage pour m'adapter aux variations de températures, ressenties ou effectives, selon la course du soleil. De plus, si je voulais travailler en alternance sur des objets qui en étaient à différents stades de leur fabrication,  je pouvais aussi choisir la meilleure heure pour pratiquer plus efficacement et agréablement un certain type d'activité, associée à un déplacement dans l'espace qui faisait aussi varier la température: au soleil ou à l'ombre, dans l'atelier ou devant …  et ainsi être en symbiose avec mon environnement et en tirer pleinement profit.  Mais évidement je n'aurai pas pu faire autant la maligne avec un temps pourri. 

         Le soir je faisais un feu et j'y restais collée le temps de dîner et de travailler un peu sur mon ordinateur, puis je filais dans mon lit qui bien que dans une pièce non chauffé également mais avec fenêtre double vitrage cette fois, est l'endroit le plus confortable de la maison en hiver, grâce à son alèse chauffante.

          Mon problème est devenu plus ardu maintenant qu'il fait vraiment froid, que la préparation de mon exposition est terminée, et que je dois me coller à un travail qui me demande d'être assise devant une table.

J'ai dans la grange des tonnes de poutres en chêne qui proviennent de la démolition d'une toiture, (et qui ne peuvent plus servir, trop courtes ou trop lourdes ou trop vermoulues). Généralement avant l'hiver, Jürgen en découpait un certain nombre à la tronçonneuse pour que nous puissions les brûler dans le poêle du salon. 
         C'est une opération à la fois délicate, bruyante et dangereuse: Il ne faut pas tomber sur un clou une vis ou autre pièces en métal dont les poutres sont truffées au risque d'abîmer la chaîne de la machine, ou qu'elle vous saute à la figure, il faut avoir une bonne poigne pour que la tronçonneuse ne vous tombent pas des mains au risque de vous tronçonner aussi une partie du corps, ne pas s'énerver quand la bête ne démarre pas après avoir tiré 10 fois sur le fil pour faire partir le moteur, savoir changer la chaîne lorsqu'elle est usée ou/et l'affûter soi même, se munir de gants épais et de chaussures renforcées, de protège oreilles, bref garder un sang froid dont je suis incapable, une patience que je n'ai jamais eu, et surtout avoir une empathie avec cet objet trop bruyant dont je suis dépourvue. De toutes les façons la tronçonneuse est partie avec Jürgen.
        J'ai commencé à ramasser des branches dans mon petit bois de chêne au fond du jardin , mais elles ne sont bonnes qu'à allumer le feu. Puis, j'ai attaqué à la hache un arbre à moitié mort, mais le problème est resté entier puisque le tronc avait quelques mètres de long,  puis à mettre des poutres telles quelles par un bout dans la cheminée mais elles  finissaient alors de brûler au milieu du salon si j'oubliais de surveiller le feu. 

       Je me suis alors dit qu'il fallait que je fasse quelque chose: Ou que j'achète du bois, ce qui est un peu énervant quand on en a plein sous la main, ou que je trouve quelqu'un pour me couper ces poutres, -mais tous les messages que j'ai laissé aux éventuelles personnes susceptible de faire ce genre de travail sont restés sans réponses,- ou que j'achète une scie circulaire électrique à bûche,  -mais toutes celles que j'ai trouvé sur le bon coin étaient en 380 V et je n'ai chez moi que du 220-.
 Je me suis alors résolue à aller au brico-marché pour voir si j'y trouvais une autre idée. A part la tronçonneuse, il n'y a que la scie à main comme alternative. J'avais des scies égoïnes mais pas de scie à bois sur cadre. La seule du magasin coûtait 13 euros,  donc je ne prenais pas trop de risques financiers à essayer la méthode manuelle en attendant une autre solution. J'imaginais que dans le pire des cas la coupe d'une poutre en petits morceaux prendrait tellement de temps que je n'aurai plus le loisir de me mettre au coin du poêle, et que de toutes les façons j'aurai tellement chaud après cet exercice que je n'en aurai même plus besoin.

             La réalité est autre: Je coupe environ une petite poutre par jour et j'ai encore le temps de me mettre à travailler près du poêle, et les chats de faire de longues siestes au chaud.

            C'est assez dur mais j'ai trouvé une méthode: je fais une coupe à chaque coin de la section de bois sur quelques centimètres puis je donne un énorme coup à l'endroit de la coupe avec le dos de la hache qui a un très grand manche et qui est très lourde.. Normalement le morceau de bois se détache avec un bruit sec. Parfois je m'y reprends à plusieurs fois, mais il y a dans cette activité hachée, c'est le cas de le dire, quelque chose de plus satisfaisant que de faire le mouvement de va et vient avec la scie jusqu'à que la coupe soit complète. Lorsque d'ailleurs, je fais ce mouvement de va et vient avec la scie depuis un petit moment et que je sens mes bras et mes épaules travailler et la chaleur de mon corps augmenter, je me demande si je ne perds pas mon temps, mais je pense aux salles de gym et à tous ces gens qui font la même chose sans avoir l'impression de le perdre alors que ce qu'ils produisent est la plupart du temps perdu.  Sauf si on a déjà mis au point un système qui récupère l'air chaud des salles de gym pour chauffer (après désodorisation) les immeubles d'à coté, et qui transforme en électricité l'énergie dépensée à soulever des poids ou faire tourner des roues de vélo immobiles. Ça doit exister mais je ne sais pas où,  sans doute dans les pays nordiques, qui sont plus doués que nous pour mettre efficacement en œuvre les bonnes idées.

  
       Mais il y a une chose à laquelle je n'avais pas pensé et qui concerne encore la conservation de l'énergie, c'est qu'après l'effort de la coupe des poutres, j'ai trop chaud pendant un moment assez court, mais après, très rapidement, je me refroidi, à une température qui me semble plus basse que si je n'avais pas fait d'effort avant, et la chaleur dispensée par le poêle (qui a été allumé avant le travail de coupe) n'est alors pas assez enveloppante pour me réchauffer. La solution immédiate serait de prendre un grand bain chaud, mais cela retarderait encore le moment où je me mettrais au travail, et aussi viderait un immense ballon d'eau, chauffée principalement à l'énergie nucléaire, ce qui ferait vraiment mauvais genre dans ce texte.

         Il me faudrait donc un habit qui laisse passer de l'air frais quand je suis en pleine action et qui récupère et surtout stocke la chaleur que je produis à ce moment là pour pouvoir la libérer une demie heure plus tard, au moment où mon corps en a besoin quand je suis presqu'immobile assise devant mon écran.. Je suis sûre que ça existe aussi , au moins à l'état de prototype. Et il y a tellement de chose à récupérer sur et dans notre corps, que nous pourrions peut être vivre en autarcie, en vase clos sur nous même? 
Je pense à cette histoire que m'avait raconté une amie, qui en Ethiopie dans une zone désertique et pauvre, (ce qui est presqu'un pléonasme), se dirigeait un soir vers les toilettes sommaires de l'auberge, qui se trouvaient dans une cahute à part et un peu surélevée par rapport au sol. Elle aperçut pendant son trajet dans la nuit une silhouette furtive marcher rapidement dans la même direction qu'elle. Puis sortant de l'aire d'aisance, elle vit la même silhouette repartir aussi , et là, elle remarqua le récipient qu'elle tenait à bout de bras. (Mon père ramassait bien le crottin de cheval devant l'école militaire à la sortie de la messe pour mettre sur les pots de géranium de son balcon. Mais il y avait aussi là une part de provocation.) 

         Une autre raison m'empêche aussi d'acheter une stère bois: Je me résout finalement assez mal à brûler du bois. Lorsque l'on coupe un bel arbre devant moi je suis toujours angoissée, à un niveau tel que j'en ai parfois mal au ventre. On dit bien sûr que les arbres ont besoin d'être coupés, qu'ils repoussent etc… 
Mais cela ne m'aide toujours pas à comprendre qu'une bûche qui disparaît en une demie heure dans le feu et qui provient d'un chêne qui a mis plus de 100 ans à pousser puisse faire partie d'une énergie si "renouvelable" que ça. 

Je pense vraiment qu'il faudrait faire quelque chose avec les bambous, qui en 3 ans sont matures et poussent comme des fous. Mais il faudrait mettre au point une chaudière spéciale, car ils brûlent très vite, en dégageant une énergie fabuleuse peut être pas sans rapport avec celle qu'ils semblent devoir fournir pour pousser aussi rapidement. Je me suis battu avec mes parents depuis mon adolescence pour qu'il ne détruisent pas le champ de bambou en bas de la maison dont je prélevais les cannes pour mes divers bricolages et construction, car j'ai toujours été fascinée par ce matériau. J'ai découvert que je n'étais pas la seule et il y a des grands architectes qui l'utilisent, Simon Velez (colombien) en particulier qui ne construit qu'avec ça, mais je ne sais pas si quelqu'un travaille sur son utilisation pour le chauffage. 

Mes parents ne m'ont jamais écoutée mais il ne savaient pas que les bambous sont plus fort que leur envie de mater mes désirs et qu'ils ont repoussé de plus belle.