Après quelques semaines sans nouvelles, je finis par l’appeler. Il me dit : « Ah, oui, oui, c’est prêt ! » Pourquoi ne m’a-t-il pas appelée comme convenu, alors ? J’y vais, et je ne comprends pas ce que je vois. Je vois quelque chose, mais ce n’est plus ma boule de vélos. Je vois quelque chose qui a perdu son âme, sans même comprendre pourquoi. J’ai été tellement abasourdie que je l’ai payé, et je suis partie. C’est en arrivant à la maison que j’ai compris : il avait tout sablé, et mis une espèce de vernis. C’était tout gris, tout uniforme. Une catastrophe. Je n’y ai plus touché. Ce qui est bizarre, c’est qu’on me disait : « Oh, c’est super beau ton truc, j’adore ! », et moi, je répondais que non, et blablabla. Je racontais l’histoire. Je l’ai laissé dehors en me disant : ça va bien finir par rouiller et prendre un peu de matière. Eh bien non, ça restait impeccable. Et puis j’ai vendu la maison, et il a fallu appeler des déménageurs pour faire un devis. La fille qui est venue a dit : « Et le carrosse, on le prend ? », avec son accent du Midi. Un carrosse ? Je n’aurais jamais eu l’idée d’appeler ça un carrosse ! Alors bon, si c’était un carrosse, on le prenait, oui. Voilà donc « le carrosse » arrivé dans sa nouvelle maison. Ou dehors, ou dedans, selon mes humeurs. Un jour, je me dis : allez, il faut le finir, ce truc ! J’essaie avec des bouts de verre : c’est l’horreur. Je me coupe, ça tombe dès que le truc roule, je n’y arrive vraiment pas. Je laisse tomber, le remets dehors. Les araignées sont ravies, elles s’installent entre les structures . Ça me donne une idée : je vais, moi aussi, faire des toiles d’araignées, en fil de fer très fin, récupéré de mini bobines de matériel électronique. Et puis je décide d’y appliquer, avec de la colle à papier, des bandes de ce fin papier un peu translucide, qui sert à protéger les photos. Ce n’était pas trop mal, mais cela ne pouvait pas aller dehors. Et puis je voulais que ce soit un peu transparent, qu’on voie le paysage — ce n’était pas le cas…mais bon, je continue quand même. J’achète de la résine époxy que j’applique dessus. Catastrophe aussi : j’en avais plein les doigts, ça puait, coulait, et une fois sec, ça a pété de partout, tellement le papier s’était tendu. Donc j’arrache tout. Poubelle. Désespoir.
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